P. Ramzi jreige cm.

«De la faiblesse à la force… de Saul à Paul»

Aujourd’hui, ce que nous vivons dans la région n’est pas nouveau : on prend des otages pour gagner de l’argent, on décapite, le fort l’emporte sur le faible…
Pourquoi l’homme arrive-t-il à cette situation de violence, d’agression, d’animosité même, vis-à-vis de l’autre ? Ces situations ne se retrouvent-elles pas, hélas, en nous et autour de nous: Que de souffrances, de violences dans les familles…d’infidélités dans le couple et qui augmentent de plus en plus…d’enfants, que personne n’écoute ou qui souffrent sans que personne ne s’en rende compte… D’où viennent tous ces comportements ? On ne peut trouver la solution, le remède, qu’en allant à la découverte de la source, de la blessure à l’intérieur de l’homme.

De cet intérieur, sort toute méchanceté. Où en est la source ? Où se trouvent les blessures qui les engendrent?

De cet intérieur, sort toute méchanceté. Où en est la source ? Où se trouvent les blessures qui les engendrent?

Il y a en nous trois dimensions : le corps, l’âme et l’esprit.

  1. Le corps. C’est la dimension « matérielle ». Ce sont nos membres, ces matières chimiques rassemblées et qui ont leurs réactions, interactions intérieures, même au niveau hormonal. C’est une masse, un agglomérat « physique, matériel ».
  2. L’autre dimension est l’âme, le « nefesh » (mot qui vient de respiration). Ce qui distingue l’homme de l’objet, c’est qu’il est vivant, il respire et quand il ne respire plus, il meurt.
    L’âme est la dimension vitale, vivante de l’homme. C’est la psyché, de laquelle vient le mot psychologie.
    Elle est formée de trois composantes ou facultés, qui sont très reliées entre elles et aux cellules du cerveau et le cerveau au corps ; car l’homme est une unité complète.
    Ces facultés de l’âme sont:
    A – L’affectivité : L’homme vivant aime ou déteste.
    B – La rationalité. L’homme possède la capacité de réfléchir avec logique ; il rationalise, il explique les phénomènes, il les relie d’une façon logique, scientifique.
    C – La volonté. C’est la force dans l’homme qui le pousse à agir ; il a une volonté, parce qu’il a une liberté de choisir. Des fois cette volonté agit d’une façon imprévisible, spontanée.
  3. L’esprit est une dimension très importante.
    Dans la Bible, quand on parle du cœur de l’homme on ne vise pas son affectivité, mais son esprit, son essence, son centre.
    Les Pères de l’Eglise disent que c’est là où l’homme se voit comme unité, noyau ; c’est l’endroit qui est relié à l’Esprit Saint, à Dieu. C’est là où réside le libre arbitre, et c’est là aussi où l’homme se pose les questions existentielles : Qui suis-je ? D’où je viens et où je vais ? Quel est mon rôle ? Qui m’aime ? Par conséquent, c’est le lieu où le diable essaie de travailler et d’influencer par des impressions portant l’homme à croire qu’il n’est pas aimé de Dieu. C’est aussi dans le cœur que l’homme cherche une assurance plus spirituelle que matérielle.
    Quand j’enlève tous les détails secondaires de mon JE, il reste ce noyau qui coordonne, rassemble le tout et qui est présent en force en moi.
    Le corps, c’est le « contenant » où l’âme exerce son activité humaine. Une activité qui est le fruit de l’interaction entre l’affectivité, la raison et la volonté.

Le moteur, le dynamiseur de ces trois facultés est l’affectivité. Même quand certaines personnes « gèlent » leur affectivité, en « la mettant au congélateur », la raison est influencée par elle, elle devient dure et pas du tout flexible.
L’homme est un ensemble de besoins affectifs et non seulement de raison : le besoin est toujours dans l’affectivité.
Le mouvement de la volonté est le résultat de cette concordance entre la raison et l’affectivité. Quand la tête, la raison et l’affectivité s’accordent entre elles, dans le même but, la volonté bouge. Quand elles ne sont pas en accord, la volonté se paralyse. L’homme évolue toute sa vie entre ces 3 dimensions.

Passons maintenant à l’évolution de l’homme et aux étapes de sa croissance.
A la naissance, il est un JE tout puissant, illimité. Je suis en relation avec moi-même, le monde entier est MOI. Le bébé naît avec une relation entre le JE et le JE et il n’évolue que quand il se rend compte qu’il n’est pas sa mère ni son père, ni la tétine… La vie commence à casser en nous ce JE tout puissant par la relation à un TU qui s’oppose, et créé la discontinuité : d’où le choc, le NON ! Psychologiquement, on évolue, mais le Moi profond, reste égocentrique. Exp : J’aimerai bien que mes enfants choisissent le métier dont je rêve. Ainsi, dans la vie, nous essayons et tendons toujours à retourner à ce JE tout puissant qui n’a pas de frontières, de barrières.

Dans la famille, le couple qui ne vit pas de conflits est un couple « mort », parce qu’il est impossible à l’homme de réfléchir avec la même logique que la femme, ni que la femme sente comme l’homme. Si dans leur vie, il n’y a pas de conflits et de dépassement de ces conflits, c’est une situation anormale ; Ou alors chacun a transformé l’autre à son image… Même si avec l’âge, on finit par se ressembler, par comprendre plus vite ce que l’autre sent, on n’arrivera jamais à penser, à sentir exactement comme l’autre. Car, la tendance chez la personne humaine, c’est la fusion : faire l’autre comme moi. A ce moment là, quand je dialogue avec lui, quand je l’aime, je suis entrain de m’aimer. J’en fais un satellite qui tourne autour de moi. Il réfléchit comme moi, décide comme moi. C’est ce qui gère parfois tous les mécanismes de notre vie. Parce que l’homme n’est pas encore sorti de ce mythe narcissique, auquel il essaie toujours de revenir : Je suis le centre du monde, le moi illimité. Quand la fusion désirée ne se fait pas, elle se transforme en opposition, en combat.

L’égoïsme vient de l’affectivité qui n’a pas évolué, et la fermeture de l’homme devient une attitude.
Quand l’égoïsme et la fermeture entrent en action, ils engendrent la mort et pas seulement avec les armes mais surtout en annulant l’autre comme « autre ».

Quant aux relations, l’homme en a à trois à trois niveaux différents :
1) Une relation avec le pouvoir, le responsable, qui à l’extrême est la relation avec Dieu.
2) Une relation avec les autres, avec les pairs, les collègues.
3) Et une relation avec les choses, l’argent…

– Avec le pouvoir, l’homme essaie d’amener à lui l’autorité par la soumission, pour qu’elle soit toujours satisfaite de lui. Il lui fait toujours ce qu’elle veut. Avec Dieu, c’est la religiosité naturelle, à qui l’homme offre des sacrifices pour le solliciter ou l’apaiser. Et quand ça ne réussit pas il a le sentiment de culpabilité qui engendre l’effort.

– Vis à vis des pairs, il veut que les autres tiennent compte de lui, être leur centre : c’est la domination. Et quand il n’arrive pas à y parvenir, il vit le sens d’infériorité qui engendre la violence.

– Quand l’homme est encore egocentrique, il a une relation de possession avec les choses, c’est la concupiscence : il désire tout posséder par n’importe quelle manière et à n’importe quel prix. S’il n’arrive pas à les posséder, il se sent frustré. La frustration engendre la cupidité.
Quand l’homme s’aime soi-même, il essaie d’être un JE fort par lui-même.
Le sommet de ce mécanisme : « je suis autosuffisant, je n’ai besoin de personne, tous ont besoin de moi, personne ne comprend comme moi, Moi seul j’ai la vérité. Personne d’autre que moi ne mérite qu’on travaille pour lui ». Et là c’est la mort, la solitude, la mégalomanie « massacrante » : c’est là où l’homme « nage dans son néant»…
D’un autre côté, quand l’homme rencontre des obstacles à sa toute-puissance, il tombe dans la culpabilité, le sens d’infériorité et la frustration : c’est la MORT.
Qui peut casser ce maillon de la chaîne du JE qui est un circuit de mort ? Car, dans les 3 situations précédentes, ce maillon du JE ne peut se briser qu’en acceptant un TU qui restera toujours un TU, sans faire peur au JE. Un TU qui ne fera pas peur, c’est l’image du Christ dans la crèche : un bébé sans défense.
Quand l’autre vient dans ma vie et que je découvre qu’il m’aime gratuitement sans rien m’enlever, il ne me fait pas peur. A ce moment-là, le TU devient parfois plus important que le JE.
Toute la Foi, la vie chrétienne est basée sur cette réalité : il y a quelqu’UN qui m’aime gratuitement et sans condition, comme je suis, c’est pourquoi je deviens fort dans ma faiblesse. Si mon affectivité réagit avec Lui et si je reconnais que j’ai besoin de Son amour qui est gratuit, je suis toujours faible mais fort dans Son amour.
Je reste toujours le même : un homme de besoins. Mais quand je découvre qu’Il m’aime, je dialogue avec Lui pour trouver la vérité et je reconnais que je ne possède pas seule la vérité, je reconnais que j’ai à aimer sans retour.
Si l’homme est aimé, il aime. Comme il est aimé, il aime et autant qu’il est aimé il peut aimer.

C’est l’expérience de (Saul) St Paul que nous trouvons dans le livre des Actes des Apôtres au chapitre 9.
Saul menace les Chrétiens, les tue, (il essaie de plaire au pouvoir).
Sur le chemin de Damas, il tombe par terre (Il revient à sa faiblesse).
Le Seigneur lui dit : “Pourquoi me persécutes-tu ?”
– “Qui es-tu ?” répondit-il.

Saul voulait tuer l’autre pour plaire à Dieu. Dieu vient lui dire « Je suis l’autre et chaque fois que tu annules l’autre de ta vie, tu m’annules à moi, tu ME tues ».
Par la présence de l’autre dans notre vie, nous ne devenons plus le centre, notre logique n’est plus LA logique, LE principe…
Saul s’est levé et il ne voyait plus (il s’agit de la vue intérieure du cœur). Il ne comprenait plus pourquoi il existait. Il est resté 3 jours comme mort, il a reçu un choc : un NON à son JE.

Ananie que Dieu envoie vers Saul n’arrivait pas à comprendre, à croire ce que l’amour gratuit peut faire de cet homme : un disciple !

Quand on fait soi-même l’expérience de cet amour, on peut alors croire ce qu’il est capable de faire dans les autres, même les « méchants »… Et quand nous découvrons « la paternité », nous sommes capables alors de croire à la « fraternité ». Les autres deviennent nos frères. Quand nous dialoguons, nous nous ne pouvons que trouver un dénominateur commun pour une certaine convivialité. Mais pour être frères, nous avons à découvrir que nous avons le même PERE.

St Paul a expérimenté qu’Il y a quelqu’UN qui l’aime dans sa faiblesse, qui l’aime même s’il lui fait du tort, qui l’aime sans retour et sans menace. Paul a compris à ce moment qui il était, lui ; qui est Dieu, et qui est l’autre. Dieu est un Père qui l’aime gratuitement ; les autres sont ses frères. Et donc, lui-même est un fils aimé gratuitement et sans aucune condition : « un pécheur que Dieu a regardé avec une miséricorde infinie ».

(Transcription et traduction : Sr Marcelle KARAM.)

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